18 janvier 2006

Le fil à broder nos rêves

J'ai reçu lundi l'ouvrage dont je parlais dans un précédent billet à savoir Marie Monnier ou le fil à broder nos rêves.

L'ayant reçu, je rêve désormais d'aller faire un tour à Beauvais du côté du musée départemental de l'Oise car les oeuvres de Marie Monnier méritent assurement le voyage: les reproductions imprimées des oeuvres en question sont déjà belles alors en vrai et pour peu qu'on puisse les admirer de près...

Il s'agit de peintures à l'aiguille mais j'en ai rarement vu d'aussi belles et d'aussi indiscutablement artistiques.
Marie Monnier a puisé son inspiration dans la poésie symbolique : soeur d'une célèbre libraire et éditrice de l'entre deux guerres, elle connaissait la plupart des auteurs du genre.
Le résultat : des oeuvres très oniriques, chatoyantes de couleurs aux nuances subtiles faites de fils d'or et fils de soie, fascinantes de complexité, avec des réminiscences pré-raphaelites, l'influence de la psychanalyse et des surréalistes.
Pour vous donner une idée, j'en ai retenu trois, très représentatives de son art et de sa manière, et que j'aime beaucoup :
Le bateau ivre
point lancé, point passé, point empiétant, point d'écaille, point de noeud, points verticaux, horizontaux, obliques et arrondis


Le rêve


Un génie
point couché, passé empiétant, point fendu, point d'écaille, point lancé, point de croix


NB: les scans malgré mes efforts ne rendent absolument pas la somptuosité des couleurs.

Cela rend infiniment humble sur les résultats obtenus avec nos petits points et sur ce qu'on appelle création dans le monde du point de croix.

Une remarque intéressante dans la préface de Jean Tardieu : si l'on retourne les chassis, on apercoit un embrouillamini extraordinaire de fils, en apparence jetés au hasard, qui font rêver à une prairie en friche lorsqu'au printemps, toutes les herbes de la Saint Jean, les bonnes et les mauvaises, mêlent à foison un nombre incroyable d'espèces vivantes, celle des végétaux et celle des insectes. Si l'on y réfléchit, c'est bien là l'envers du monde. Le dessous caché de toutes choses, surtout des choses animées. C'est la vie qui pullule et agit sur la vie, pour s'en nourrir et pour renaître sans fin...

Ce fouillis de fils à l'envers ca me rappelle quelque chose : les envers d'une autre Marie :
Marie-Thérèse Saint Aubin, une artiste de l'aiguille elle aussi, dont le style minimaliste est pourtant à l'opposé de celui de Marie Monnier...

Moi dont les envers sont brouillons au possible, et bien que je ne prétende pas le moins du monde rivaliser avec ces deux artistes en broderie, je vous avoue que je ne suis pas mécontente de faire remarquer aux persistants ayatolahs de l'envers parfait que la magie des doigts de fée des brodeuses c'est à l'endroit qu'il est essentiel qu'elle opère ;-)


Marie

13 commentaires:

  1. Anonyme11:45 AM

    merci Marie pour ces images de rêve. je ferais bien le voyage de Beauvais aussi ! quel dommage que ce livre soit épuisé ...
    nicole

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  2. Anonyme5:02 PM

    Il ne s'agit pas d'être ayatolah de l'envers parfait, il s'agit de d'aimer le travail bien fait, de soigner aussi bien le visible que l'invisible, de travailler avec méthode. Tout comme on assortit les différentes pièces de sa lingerie qui ne sont pas visibles de tout le monde!!!!

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  3. Anonyme5:48 PM

    Bonjour,
    Je viens lire ton blog régulièrement et c'est toujours un moment agréable.

    Je suis heureuse de voir enfin autre chose qu'une ôde aux envers parfaits.
    Je n'ose jamais montrer mes broderies à cause du fouilli qui se cache à l'arrière de peur de tomber sur une intégriste....
    Maintenant que je sais que ce n'est plus une tare, je vais enfin pouvoir montrer mon derrière hihihihihihi !!!
    Youpi.
    Bisous.
    Misswoest

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  4. Mais Beauvais, c'est pas très loin de chez moi :)
    Voilà une idée de promenade toute trouvée pour les prochaines vacances scolaires
    Chic, c'est bientôt :D
    Lily

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  5. Anonyme7:09 PM

    C'est beau ! C'est magnifique ! Je suis scotchée... Dommage que Beaubais soit si loin.

    En plus, je souris, car j'ai toujours un peu honte de mes envers de broderie.

    Charmantes fées brodeuses qui nous apportent sur un plateau l'article déculpabilisateur !

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  6. Pas d'intégrisme chez les fées :-D
    Le plaisir avant tout. Si pour certaines il passe par un envers parfait, rien à redire mais pour ma part je préfere le bonheur de broder au fil de l'aiguille sans réfléchir sans cesse à ce qui se passe dessous pour ne s'intéresser qu'à ce qui se passe dessus et surtout sans culpabiliser.
    Et comme le suggère très joliment l'auteur de la préface du livre le fouillis à l'envers dégage une poésie propre

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  7. Anonyme9:11 AM

    C'est magique ! Sur son site Elisabeth montrait il me semble des broderies chinoises qui sont un tableau tant à l'endroit qu'à l'envers. Moi ça m'épate ! non que mes envers soient moches mais bon ... je suis loin (très loin) de la perfection de ces oeuvres

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  8. Anonyme9:22 AM

    La broderie est pour moi avant tout un plaisir et le restera à jamais ! Peut m'importe les avis sur mon style academique ou non! mon envers vaut-il mon endroit? mystère ! c'est ma face cachée!
    Mon plaisir de sentir le lin crisser sous mes doigt,l'incomparable sensation de bonheur lorsque les couleurs l'habillent et dessinent lentement au rythme de mes aiguillées une poésie de fil ... voilà pour moi l'essentiel du bonheur de broder !

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  9. Anonyme9:26 AM

    ah au fait à Dourgne 81 vous avez quelques unes des tapisseries de Dom Robert (Aubusson) une merveille! un chatoiement de couleurs!!!!
    Je note Beauvais dans mon carnet des "Visites des Beaux Sites et Belles Expos a voir" Merci pour l'info

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  10. et tout est là Caudine:)
    Si je devais resumer mon point de vue sur la question, je dirais que pour moi ni la création (côté artistes ) ni la récréation (côté brodeuses non professionnelles ) ne sont compatibles avec l'application que suppose les envers dits parfaits qui n'ont d'intéret que si l'envers se voit ce qui n'est pas le cas le plus fréquent.
    La broderie reversible qu'évoque Ariane c'est autre chose : un art - japonais ? très mystérieux: la démarche est totalement différente puisque la broderie est montée de maniere à pouvoir etre vue de chaque coté ; Ca me tente pas mais c'esr vrai que le résultat est fascinant...

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  11. Anonyme9:55 AM

    C'est magnifique !!! La broderie comme je l'entends enfin ! :-))))

    Pour le reste, "ayatollah", quand même, c'est raide ! :-/

    Moi qui ne soigne pas particulièrement l'envers de mes ouvrages et n'en conçois aucune honte (hihi), je suis toujours admirative des beaux envers ... J'aime ce soin apporté aux choses invisible. Il fait sens je trouve.

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  12. Anonyme9:56 AM

    avec un s avec invisible. :o)

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  13. Elle me plait bien mais elle n'est pas de moi l'expression " ayatollah de l'envers parfait " je ne sais plus qui en est la "mère" : Valérie Lejeune peut être ? mais je ne suis pas sure...
    Elle cristallise et fustige en tout cas assez bien l'attitude extreme de celles qui retournent l'envers avant de se prononcer sur la beauté d'un ouvrage en cours.
    Le soin apporté à l'invisible en revanche peut assurement me toucher mais pas plus que la poésie du fouillis souterrain qui témoigne de la liberté de la brodeuse.
    Par ailleurs la technique dite de l'envers parfait est inapplicable à autre chose qu'une broderie de taille modeste comportant peu de coloris... Sur un monochrome ou quasi monochrome, c'est facile d'avoir de beaux envers...

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